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Publié par La Pluie du Dharma

Les enseignants heureux vont changer le monde

 

Voici la retranscription de l'enseignement offert par notre Maitre le 27 octobre 2014 au Village des Pruniers, lors de notre retraite réservée pour les éducateurs, enseignants et personnes travaillant dans le domaine de l'éducation.

Bienvenu chers amis! Bienvenu chers collègues,

Bienvenu à cette retraite francophone réservée aux enseignants, aux éducateurs ! Moi-même je suis enseignant et j'aime mon métier et c'est très bien que vous aussi vous aimiez votre métier. Vous voulez construire des hommes, des femmes jeunes, sains, heureux, capables d'être heureux et capables de rendre les autres personnes autour d’eux heureux. Notre mission ce n'est pas seulement transmettre les connaissances mais construire les hommes, construire une humanité digne d'elle-même, pour pouvoir prendre soin de notre précieuse planète.

J'ai eu beaucoup de chance c'est parce que les personnes, surtout des jeunes qui sont venues à moi, elles ont le même idéal. Elles veulent apprendre pour se transformer, pour vivre heureux, et aider les autres à vivre heureux aussi. Chaque fois que j'entre dans ma classe il y a toujours le bonheur, il y a une sorte de compréhension mutuelle entre élève et enseignant, il y a aussi une sorte de fraternité qui rend le travail d'enseigner, le travail d'étudier beaucoup plus facile.


Je m'informe toujours sur la vie de mes étudiants, je leur dis mes difficultés, mon espoir, et ainsi la communication est toujours possible. Nous savons que les enfants, les étudiants de notre temps ont beaucoup de souffrance en eux, c'est parce que leurs parents souffrent, les parents ne peuvent pas communiquer entre eux et il n’y a pas de communication facile entre parents et enfants donc il y a une sorte de solitude, sorte de vacuum, sorte de vide dans l'enfant et l'enfant cherche à combler ce vide en soi avec les jeux électroniques, et autres distractions et vous le savez très bien. Il y a une énorme quantité de souffrance dans les jeunes, cela rend le travail d'enseigner beaucoup plus difficile.


Nous-mêmes avons des difficultés aussi, nous avons essayé de notre mieux mais l'environnement, la famille, les collègues avec qui nous travaillons ont beaucoup de difficultés en eux, donc c'est difficile. Si les enseignants, les collègues ne sont pas heureux alors comment faire pour rendre heureux les enfants. C'est un grand problème.

Nous n'avons pas assez de patience, de compréhension, de fraicheur, de compassion pour pouvoir confronter tout cela. Il y a une dimension spirituelle qui est nécessaire pour nous, qui nous aide à nous transformer et commencer à aider les gens autour de nous à se transformer en commençant par les membres de notre famille, notre partenaire et puis si on réussit dans cette pratique on devient beaucoup plus agréable, souriant, compatissant et alors on va pouvoir aider nos collègues à faire la même chose et nous allons apporter cette pratique à notre classe.


Alors le premier pas c'est effectuer un grand retour, un grand retour chez soi-même. On cherche une sortie, mais la sortie commence par une entrée "the way out is in".

C'est le grand retour vers soi-même, afin de pouvoir prendre soin de soi-même, afin de pouvoir gérer les difficultés en soi-même et ici nous avons des méthodes de pratique et on peut pratiquer ensemble avec joie. Avec la respiration consciente on peut ramener notre esprit vers notre corps, et prendre soin de notre corps tout d’abord. Il y a de la tension, de la douleur dans notre corps et avec cette pratique on peut revenir à son corps, reconnaitre la présence de la tension, de la souffrance dans son corps et respirer en telle sorte qu'on peut relâcher cette souffrance et une heure de pratique peut déjà beaucoup nous aider.

Le Bouddha nous propose l’exercice " j'inspire je suis conscient de mon corps", « je suis revenu à mon corps qui est une merveille mais qui n'a pas assez de paix en ce moment », s'il n'y a pas de paix dans le corps cela sera plus difficile d'avoir la paix dans l'esprit, corps et esprit sont toujours ensemble.

Il faut commencer par le corps, dans la position assise, ou marchée, ou debout ou allongée on peut très bien pratiquer pour détendre le corps, c'est la chose principale. Assis dans l'autobus ou dans la voiture on peut le faire aussi, préparer le petit déjeuner on peut le faire aussi, faire la vaisselle on peut le faire aussi, donc on a beaucoup de temps pour faire cela, détendre le corps, c'est très, très important. Il y a des exercices qui nous aident à reconnaitre les merveilles de la vie, la beauté de la nature, qui sont disponibles dans le moment présent. C'est facile, si vous faites une inspiration et si vous portez votre attention entièrement sur votre inspiration, alors vous pouvez déjà arrêter toute pensée. On pense beaucoup mais nos pensées ne sont pas productives, on devient de plus en plus confus en pensant :

"Je pense donc je ne suis pas vraiment là, je pense donc je suis perdu dans ma pensée."

Si vous portez votre attention seulement sur l'inspiration et même si l'inspiration ne dure que deux ou trois secondes vous arrêtez la pensée, vous êtes libre du passé, du futur, de vos projets et l'inspiration peut être agréable.


Pour le pratiquant une inspiration peut être très agréable, vous êtes vivant, vous êtes en train de faire une inspiration c'est une merveille. Celle ou celui qui est déjà mort ne peut pas faire une inspiration, donc j'inspire je suis vivant et être vivant c'est un miracle, le plus grand des miracles du monde. Cela vous apporte du plaisir en faisant une inspiration et quand vous faites cette inspiration vous ramenez votre esprit vers votre corps. C'est parce que dans la vie quotidienne souvent le corps est là mais l'esprit est ailleurs, pris dans le passé, dans le futur, dans vos projets, votre colère. Donc corps et esprit ne sont pas ensemble et quand la situation est comme cela on n'est pas vraiment vivant.

Il faut que l'esprit soit avec le corps pour que vous puissiez être là et vivre en profondeur ce moment que vous avez, chaque moment de votre vie. Quand corps et esprit sont ensemble vous êtes entièrement vivant, présent et vous pouvez reconnaitre que toutes les merveilles de la vie sont là : le soleil, les arbres, les oiseaux, le royaume de Dieu est disponible ici et maintenant. C'est la reconnaissance pure et simple de la beauté des merveilles de la vie et aussi vous pouvez reconnaitre que vous avez beaucoup plus de chance que les autres, la chance de vivre heureux ici et maintenant. Si vous avez le temps vous pouvez noter sur une page les conditions de bonheur que vous avez déjà, que vous n'avez pas à rechercher dans le futur. Je suis sûr qu'une page ne suffit pas, deux pages non plus, trois pages ou quatre pages non plus.

Vous avez beaucoup de chance, de conditions de bonheur et le bonheur c'est possible ici et maintenant et c'est l'enseignement du Bouddha et les français ont cette sagesse : "Qu'est-ce qu'on attend pour être heureux."

Cet exercice nous aide à reconnaitre cela, les merveilles de la vie, le royaume de Dieu, les conditions de bonheur qui sont disponibles et vous pouvez générer une sensation de joie, une sensation de bonheur n'importe quand et n’importe où. Un vrai pratiquant de la pleine conscience est capable de générer une sensation de joie et de bonheur n'importe quand, c'est l'art du bonheur, c'est simple, c'est facile, faisable pour tous.


Et puis il y a un autre exercice : quand une sensation douloureuse commence à monter, quand une émotion douloureuse commence à monter, on peut respirer en telle sorte pour pouvoir générer l'énergie de la pleine conscience afin de pouvoir reconnaitre cette sensation, cette émotion, l'embrasser tendrement et vous pouvez apporter un soulagement après quelques minutes de pratique. C'est très important.

On doit écouter sa propre souffrance, dans le corps et dans les sensations, les émotions. L'autre personne elle a aussi cela, elle a de la souffrance en elle, alors elle parle, elle agit, elle nous fait souffrir, ce n'est pas qu'elle a cette intention de nous faire souffrir mais c'est parce qu'elle ne peut pas gérer cette souffrance en elle. Et nous pratiquants, nous savons comment gérer une souffrance.

Gérer une souffrance c'est un art. On parle de l'art du bonheur mais on peut parler de l'art de la souffrance. On doit apprendre à souffrir. Celui qui sait comment souffrir, il souffre beaucoup moins que les autres. Croyez-moi, la personne qui sait comment souffrir, elle souffre beaucoup moins que les autres, c'est un fait. Et si vous êtes capable de voir cette souffrance en l’autre personne, vous ne souffrez plus : « pauvres gens, pauvre ami, pauvre collègue, il y a tant de souffrance en lui, elle ne sait pas comment gérer cette souffrance, elle fait cela, elle souffre et fait souffrir les autres » et lorsque vous regardez comme cela il y a de la compassion dans vos yeux, et avec la compassion vous ne souffrez pas, la compassion est un antidote de la colère et c'est possible de générer l'énergie de la compassion, c’est très simple, il suffit de reconnaitre la souffrance énorme en lui, en elle et vous aurez de la compassion envers lui, envers elle et ainsi vous pouvez sourire, être gentil, être compatissant et l’autre personne sera surprise, elle se demandera : « comment pouvez-vous faire cela, les autres dans une situation comme cela ils vont réagir avec colère, mais vous vous êtes détendu, vous êtes souriante, vous êtes compatissante » et comme cela vous pouvez aider les autres.


Donc effectuer un retour c'est le premier pas et après cela vous pouvez commencer à aider votre partenaire et les membres de votre famille. C'est parce que l'autre personne a témoigné de cette transformation en vous et elle sait que si elle fait la même chose, elle pourra aussi réussir comme vous et la réconciliation, la restauration de la communication sera possible, c'est parce que la parole aimante, et l'écoute compatissante aident toujours à restaurer la communication et ramener la réconciliation :

"Cher ami, je sais que tu as beaucoup souffert dans les années passées, je n'ai pas pu t'aider et j'ai réagi en telle sorte qui a rendu la situation plus difficile, je suis navré. Cher ami, ce n'est pas mon intention de te faire souffrir, c'est parce que je n'ai pas vu et compris la souffrance énorme en toi. Il faut m'aider mon ami, il faut me dire ce qui est dans ton cœur, tes difficultés, ta souffrance. J'ai la conviction que si je comprends ta souffrance je ne vais pas réagir comme je l'ai fait dans le passé. Il faut m'aider mon ami, il faut me dire ce qui est dans ton cœur. "

C'est la parole aimante et c'est la clé qui peut ouvrir la porte du cœur d'une personne, c’est très efficace, même après cinq années de difficultés. Elle va vous dire ce qui est dans son cœur et maintenant vous pouvez pratiquer comme Avalokiteshwara, écouter avec compassion, écouter seulement.

L'écoute compatissante a un seul but : aider l'autre personne à vider son cœur pour qu'elle souffre moins, donc même si elle dit des choses incorrectes il ne faut pas interrompre, il faut laisser cette personne parler, parler. Plus tard peut-être vous aurez du temps pour offrir quelques informations qui l'aidera à corriger sa perception, mais pas maintenant, pour l’instant restaurer la communication, ramener la réconciliation et avec la collaboration entre l'enseignant, son partenaire et sa famille on va effectuer un autre pas. On peut approcher le milieu du travail, y compris nos collègues et nos étudiants. Nous savons bien que la plupart de nos collègues ont de la souffrance en eux et si nous avons de la compréhension, de la compassion en nous, nous souffrons beaucoup moins lorsque ces personnes-là explosent.

Alors il faut songer à bâtir une sangha, c'est à dire une communauté, parmi vos collègues, parmi le personnel de l'établissement, cela peut être deux, trois, ou quatre personnes avec qui vous pouvez communiquer mieux. Alors il faut parler à eux tout d'abord sur la situation, ces personnes là ont vu votre transformation et votre guérison. Vous êtes frais, compatissant, souriant, vous pouvez leur parler. Il faut construire une sangha, il faut se réunir plus souvent afin de pouvoir continuer la pratique non seulement comme individu, comme famille mais comme communauté. Bâtir une sangha c'est une chose absolument nécessaire. On peut très bien faire une marche méditative ensemble, on peut boire le thé ensemble, on peut faire une session de relaxation totale ensemble et on va créer une petite communauté qui consiste d'enseignants heureux, « les enseignants heureux vont changer le monde ». Avec cette petit sangha on va pouvoir changer toute la communauté de l'établissement. On peut écrire une lettre, on peut dire :

"Nous sommes un groupe de personnes, nous avons fait ceci, cela et effectué beaucoup de changement dans notre vie, dans notre travail et dans notre classe et je pense que si vous pouvez nous rejoindre cela sera merveilleux".

Et les autres collègues vont pouvoir commencer à goûter cette sorte de paix, de fraternité, de détente.

On ne peut pas continuer comme ça parce que si les enseignants sont malheureux, s'ils n'ont pas d'harmonie, de paix entre eux alors comment aider les jeunes à moins souffrir, à réussir dans leur travail. Bâtir une sangha est une chose absolument nécessaire et chaque enseignant doit être un bâtisseur de sangha. Après son illumination la première chose que le Bouddha a faite a été de bâtir une sangha Il savait très bien que sans une sangha il ne peut pas réussir la carrière d'un Bouddha.

L'enseignant aussi a une carrière noble, belle, respectable, alors sans une sangha on ne peut pas faire grand chose, la construction d'une sangha, c'est une chose absolument nécessaire.

Chers amis, nous avons une retraite, chose merveilleuse et nous avons l'occasion de pratiquer tout cela ensemble. Je vous souhaite une bonne et merveilleuse retraite. Merci!

 

Retraite pour les Éducateurs 2014