Témoignage sur le 2 ème message de la Retraite d'Hiver 2016-2017
6 Décembre 2016 , Rédigé par Maison de l'Inspir
Chère Communauté,
Lorsque ma Maman est décédée, je me trouvais au Village, c’était en juillet 1991.
J’avais quitté ma mère quelques jours auparavant et j’avais noté un petit changement dans son comportement habituel : elle ne s’était pas levée le matin de mon départ comme elle le faisait toujours et je suis allé l’embrasser dans son lit pensant qu’elle était simplement fatiguée.
Hameau du Bas : il était environ 5h30, la cloche du matin n’avait pas encore retenti, qu’un ami envoyé par Sœur Chân Không, était venu me chercher en urgence pour répondre à un appel téléphonique provenant de ma sœur. J’ai aussitôt fait le lien entre cet appel et la fatigue de ma mère, sachant qu’un évènement important s’était produit.
Maman était partie… je ne pleurais pas.
Après la méditation du matin, nous sommes tous montés au Hameau du Haut pour le petit déjeuner, et pour moi, être conduit à la gare en direction de Limoges par la suite.
Pendant le petit déjeuner j’ai senti deux mains se poser doucement sur ma tête, libérant toute ma douleur… deux mains pleines d’amour et de compréhension.
Après l’enterrement, je suis rentré directement au Village et le lendemain les Frères et les Sœurs de l’Inter-Être m’ont proposé d’organiser pour moi et ma mère une cérémonie devant l’autel du Bouddha. Ce fut un très beau moment rempli de simplicité et de profondeur. J’étais assis face à l’autel et les Amis de chaque côté. Nous avons chanté les Sutras et ensuite je me suis incliné et prosterné devant l’autel du Bouddha.
Pendant plusieurs années, j’avais fait des prosternations devant le Bouddha, par imitation, voyant le Bouddha comme un être supérieur quelque part au-dessus de ma tête ou dans les nuages, le ciel. Je voyais le Bouddha comme je voyais Dieu ou Jésus lorsque j’étais enfant, comme Celui qui dirige tout sur terre, nos vies, notre naissance, notre mort, nos actions bonnes. Et bien sûr, quant à nos actions mauvaises, il y avait Satan qui s’occupait de cela, pas très loin de moi.
Dans mon idée, Bouddha, Dieu, Jésus ou Satan étaient des êtres réels ayant une identité, une existence séparée.
Photo : J.-P. Roussel
Cependant, pour la première fois en ce mois de juillet 1991, à l’occasion de cette cérémonie pour ma mère, il s’est produit un évènement particulier pendant lequel je me suis senti comme transporté par une force, une énergie inconnue, surtout en faisant les prosternations, où le Bouddha n’était plus le Bouddha, où ma mère n’était plus ma mère, où les Amis présents et me soutenant n’étaient plus là non plus, où moi-même je n’existais plus vraiment… Certes, tout était bien réel, les choses, les objets, les personnes, les chants, la statue du Bouddha, l’autel et j’étais bien là à genoux en train de m’incliner, mais tout cela n’avait plus soudainement la même identité que je lui attribuais avant.
Pendant les prosternations, transporté par cette énergie d’éveil et de lumière, j’ai pu prendre ma Maman dans mes bras et l’embrasser en moi-même, comme je ne l’avais jamais fait durant son vivant. Pendant ces touchers de la Terre, j’ai pu rencontrer le Bouddha, non pas à l’extérieur mais à l’intérieur de mon corps, de mon esprit. Les Amis aussi se prosternaient en moi, bien qu’étant toujours assis à leurs places, et moi-même m’inclinant, je n’étais pas à part, séparé de mon entourage. Je m’inclinais et ma Maman s’inclinait, les Amis s’inclinaient en même temps, le Bouddha n’était pas une simple statue sur un autel, il s’inclinait aussi en même temps. Il n’y avait plus à cet instant quelqu’un qui s’appelle « moi » ou qui s’appelle « Amis », qui s’appelle « Maman », et même quelqu’un qui se nomme « le Bouddha ».
Il n’y avait plus de différences entre toutes ces personnes, toutes ces choses, comme une sorte d’unité, une seule et même énergie bienfaisante. Chacun de nous était l’autre et vice-versa. Finalement, nos cinq Skandhas allaient tous dans le même sens, nos corps, nos sensations, nos perceptions, nos formations mentales, nos consciences ne formaient qu’un tout où les identités s’estompaient et où chacun de nous, avait certainement pu toucher du doigt une goutte de Liberté.
Voilà mon expérience à propos des désignations conventionnelles, du sens qu’elles ont, et de la manière où j’ai sans doute pu toucher pour la première fois cette notion « d’identité séparée » où les différences laissent place à la nature propre de chaque chose : l’interdépendance.
« Celui qui s’incline et celui devant lequel il s’incline n’ont pas d’identité séparée » TNH