Questions / Réponses - 3 Mai 2012
Questions / Réponses
Ce matin, nous avons la chance d'avoir une session de questions / réponses, et une bonne question peut profiter à beaucoup de gens, c'est pourquoi il faut poser la question de votre coeur, une question qui a à voir avec la pratique, avec la souffrance, avec le bonheur. Il n'y a pas de théorie ici, et si vous avez une question déjà dans votre coeur, vous êtes invités à venir vous asseoir ici, près de nous, et vous attendez votre tour pour vous asseoir sur cette chaise pour que la sangha puisse vous voir. Et avant de poser la question, on écoute la cloche, on respire trois fois pour se calmer. De temps en temps, nous lirons une question qui est déjà écrite sur papier. Et nous savons qu'une bonne question n'a pas à être très longue. Donc, si vous êtes un peu timide, vous pouvez écrire votre question sur un bout de papier et demander à quelqu'un de l'amener ici.
Chère sangha, voici la première question.
(cloche)
Question : Cher Thây, chère sangha, je viens déposer la question d'une amie pour qui il est trop difficile de venir ici devant tout le monde, et je vais vous lire ce qu'elle demande. Voici ce qu'elle écrit : « Cher Thay, merci beaucoup pour vos enseignements, merci aussi à la Sangha pour son accueil. La mort est très présente dans ma vie. Mon mari, mon grand frère, mon petit frère, et maintenant mon fils, sont partis. J'ai compris avec mon mental, avec ma tête, l'enseignement de la mort et des nuages et tout ça. J'ai compris la pratique de la pleine conscience. Mais comment pratiquer quand la tristesse a pris toute la place, comment pratiquer quand la tristesse a rempli le grand vide de leur absence ? »
Thây : Demain, on aura un enseignement sur ce thème : la vie et la mort, qui sont en inter-être. Il n'y a pas de vie sans mort, il n'y a pas de mort sans vie, et la vie et la mort arrivent à chaque moment, on n'a pas à attendre. Sans la mort, il n'y a pas de vie, sans la vie, il n'y a pas de mort, et ce sont des aspects de la même chose. Donc demain, on aura la chance d'écouter l'enseignement sur la vie et la mort. On attend un peu.
(cloche)
Question : Très cher Thây, je porte encore à quarante quatre ans la honte, la culpabilité, de ne pas avoir été assez suffisamment aimée lors de mon enfance. Ainsi, je constate que je saborde, entre guillemets, ma vie personnelle et affective, quand elle peut s'améliorer, comme si je cherchais sans cesse à revivre cette situation douloureuse. Paradoxalement, elle me rassure, car je la connais bien, cette situation. Pouvez-vous me dire comment sortir de cette emprise du passé ? Merci infiniment.
Thây : La question a à voir avec le futur et le passé. Si on ne possède pas un beau passé, alors on peut très bien construire un beau passé, utilisant le moment présent. Si vous étiez heureux pendant votre enfance, alors vous avez un beau passé, c'est la fondation du bonheur pour le présent et pour le futur, mais si vous n'avez pas eu un beau passé, alors selon cet enseignement, il est possible de construire un beau passé, en utilisant le moment présent, parce que nous avons des semences de l'amour en nous, nous connaissons le dharma et la pratique, nous pouvons arroser la graine de l'amour en nous à chaque moment, et à chaque fois qu'on arrose la graine de l'amour, l'énergie de l'amour est née, et passe au passé. Elle naît dans le moment présent et passe au passé. Comme ça, vous pouvez, vous avez la chance de faire un passé à partir du moment présent. Donc, il n'y a pas de regrets, et le passé va devenir le futur, parce que tout ce que l'on pense, tout ce que l'on dit, et tout ce que l'on fait, est stocké dans le passé, et se prépare pour se présenter comme futur, et se manifester dans le présent. Donc, c'est une porte ouverte, alors il faut bien utiliser le moment présent afin de pouvoir construire un passé, et ce passé-là va devenir le futur et se manifester en présent.
(cloche)
Question : Cher Thây, chère communauté, pouvez-vous m'aider à ouvrir mon coeur ?
Thây : Est-ce que vous avez peur d'aimer ?
Sans doute. Peut-être.
Quand on ne peut pas ouvrir son coeur, c'est parce qu'on a peur. Le printemps est un moment où toutes les fleurs ont une chance de s'ouvrir, et votre coeur, c'est une fleur, et il faut l'autoriser à s'ouvrir. Et comment ? Dans cette pratique, on dit que l'amour pour soi-même est la fondation pour l'amour de l'autre. Aimer, ce n'est pas seulement aimer une autre personne. Si on est capable de s'aimer, alors on est capable d'aimer une autre personne, mais si on ne peut pas aimer soi-même, ce sera impossible d'aimer une autre personne. Et pour aimer, pour aimer soi-même, il faut reconnaître la présence de la souffrance, de la douleur en soi, il faut écouter en profondeur notre propre souffrance, notre propre douleur, et c'est la méditation : on embrasse, on s'entraîne à embrasser sa propre souffrance, son propre bonheur, on écoute en profondeur, on cherche à reconnaître les racines, la nature de cette douleur, et c'est la pratique de base. Avec cela, la compréhension de la douleur, de la souffrance, va venir, et cette compréhension va ouvrir votre coeur. Il faut apprendre à s'aimer. Si vous connaissez bien, si vous comprenez bien votre souffrance, alors vous pouvez accepter, parce que cette souffrance n'est pas une souffrance individuelle. Dans cette souffrance, il y a la souffrance de nos parents, de nos ancêtres, et dans cette souffrance, il y a la souffrance du monde, alors il ne faut pas dire que c'est seulement ma souffrance. Donc, en comprenant sa souffrance en soi-même, on comprend aussi la souffrance de ses parents, de ses ancêtres, et comme ça, quand on regarde l'autre personne, et peut voir très facilement la souffrance en elle, et notre coeur s'ouvre tout de suite. Donc, la compréhension de la souffrance est la clé qui peut ouvrir notre coeur.
(cloche)
Question : Cher Thây, chère sangha, d'abord, un grand, grand grand merci pur toute l'exposition d'hier, j'ai eu un grand moment de bonheur, Thay, et merci beaucoup, et j'attends que vous fassiez un livre avec tout ça. D'ailleurs j'ai envie de vous écrire pour les trois portes du Village, et je me demandais si vous aviez du mal-être. Donc, voilà, je vais quand même vous l'écrire, je pense qu'elle va vous parvenir, et je vais l'écrire ici. Mais en attendant, je voulais vous demander, je suis mère de famille, je suis depuis quarante ans avec mon mari, j'ai trois enfants, six petits enfants, et je suis sans cesse écartelée entre prendre soin d'eux, de leur bonheur, de leur souffrance, enfin, je ne sais pas comment dire, et en même temps, je me perds, donc je ne sais pas comment faire là-dessus. Alors il y a la fusion, je ne me suis pas trouvée là-dedans, il y a le non-soi séparé, j'ai bien compris ça, mais tout ça, ça se bagarre, il y a l'attachement aussi, parce qu'il y a de la jalousie, enfin... J'ai besoin d'un peu d'éclairage, même si vous me dites qu'il va falloir respirer, ce que je fais un peu, j'ai acheté une calligraphie. Respirer, donc je vais l'appliquer. Merci Thay. Merci beaucoup.
Thây : Je pense que la pleine conscience, c'est la réponse. La pleine conscience nous permet d'être au courant du fait que la vie est là. Il faut vivre notre vie. Et avec la pleine conscience, on peut vivre en profondeur. Par exemple, quand vous faites le petit déjeuner pour la famille, c'est une chance pour vivre. Préparer le petit déjeuner, ce n'est pas pour avoir le petit déjeuner seulement. La joie peut être possible à chaque instant de la préparation du petit déjeuner. On peut se réjouir de sa respiration, on peut sourire à tout ce qui est là, autour de nous et en nous, avec l'éveil, avec cette compréhension que la vie est là avec toutes ses merveilles. Alors on peut entrer en contact profond avec les merveilles de la vie, et on peut déjà célébrer la vie. Et si vous pensez que préparer le petit déjeuner, c'est seulement pour avoir un petit déjeuner pour votre famille, ce n'est pas assez. Donc, quand on marche, quand on se lave les mains, quand on fait la vaisselle, on peut faire ces choses-là de telle sorte que la liberté, la joie, le bonheur, soient possibles. C'est l'entraînement. Par exemple, quand vous prenez votre déjeuner : manger, ce n'est pas seulement pour avoir quelque chose dans l'estomac, manger peut être une célébration de la vie. S'asseoir là avec la famille, ou avec les amis, c'est déjà une joie. Si quelqu'un de la famille n'est plus là, alors on va pleurer, n'est-ce pas ? Mais toute la famille est encore là, et assis avec les autres membres de la sangha, c'est une joie aussi. Alors pendant le repas, on peut toucher la présence des autres, on reconnaît qu'on est là pour vivre sa vie, on entre en contact avec la nourriture qui est un cadeau du ciel et de la terre, alors la pleine conscience nous aide à être en contact avec les merveilles de la vie, et on peut vivre chaque moment en profondeur. Et puis, il y a de la souffrance, et vous avez l'intention, le désir, d'alléger la souffrance, pour aider les gens à souffrir moins, vous avez une tension, un désir, et cela va vous donner beaucoup d'énergie, la volonté d'aimer, et de réduire la souffrance, non seulement des êtres humains, mais aussi des autres êtres, et la souffrance de la planète. Alors la souffrance peut nous inspirer. Et avec cette énergie d'amour et cette compréhension de la souffrance, on va avoir beaucoup de force pour pouvoir se réjouir de chaque moment qui nous est donné à vivre, et on n'aura pas de regrets. On va commencer à vivre les moments comme ça. Chaque moment qui nous est donné à vivre est plein de merveilles. Chaque moment est une merveille, et il ne faut pas gaspiller ces moments, il ne faut pas gaspiller, donc, que chaque moment de la journée soit une perle. Il faut que chaque moment soit un moment de bonheur, et c'est une chose possible avec la pleine conscience. Il est possible de faire un pas en pleine conscience et de se réjouir de ce pas-là. « Je suis vivant, je suis en train de faire des pas sur cette planète magnifique. » Donc, l'éveil, la compréhension, et la joie, peuvent être possibles. Il ne faut pas gaspiller notre vie. Qu'est-ce que vous avez fait avec votre vie ? Maintenant, le Bouddha vous a donné, offert une chance, l'éveil, l'éveil à chaque moment, l'éveil à chaque minute. L'éveil, ce n'est pas une affaire du futur. Il faut se réveiller tout de suite. Maintenant. Albert Camus a écrit un roman appelé « L'étranger », et le personnage principal du roman est Meursault, un jeune homme condamné à mort parce qu'il a tué quelqu'un, et trois jours avant l'exécution, dans sa cellule, dans la position allongée, il a pu percevoir un carreau de ciel bleu à travers la lucarne, et c'était la première fois qu'il pouvait entrer en contact avec le ciel bleu comme une merveille. Albert Camus a décrit ce moment comme moment de conscience. Donc, après cela, après l'éveil, il a décidé de vivre chaque moment qu'il lui restait à vivre dans la pleine conscience. Et le dernier jour, un prêtre est venu pour recueillir ses confessions et administrer les derniers sacrements, mais il a refusé, il a tout fait pour que le prêtre le quitte le plus tôt possible, parce qu'il ne voulait pas gaspiller le temps qu'il lui restait pour une conversation. Il a dit que le prêtre n'avait pas d'éveil, qu'il vivait comme un mort. C'est le condamné qui est beaucoup plus vivant que celui qui veut administrer les sacrements pour lui. Alors ce roman d'Albert Camus m'a beaucoup touché. Le moment de conscience, c'est l'éveil. Avec l'éveil, on va pouvoir chérir chaque moment de sa vie, et il est possible de vivre chaque moment de sa vie en pleine conscience pour que la joie soit possible, avec le soutien de la sangha. Cela doit être possible, il faut s'accrocher à la sangha, il ne faut pas gaspiller sa vie. Une question écrite, s'il-vous-plaît.
Question : Cher Thây, chère sangha, il y a une question par rapport aux jeux vidéos en réseau. Il y a actuellement un très grand nombre de jeunes personnes qui jouent, qui passent une grande partie de leur temps à jouer des jeux violents souvent, sur internet, avec des autres jeunes en réseau. Et la question, c'est par rapport à ça. C'est une mère qui demande : « Comment peut-on aider les jeunes qui sont pris dans des liens de dépendance aux jeux en réseau sur internet. Je sais que ce sont des jeunes en souffrance, et en tant que mère, j'ai ma part de responsabilité. Je me sens parfois dépourvue, et j'ai souvent des paroles blessantes pour les faire bouger. J'aimerais que leur soit envoyé des pensées de coeur afin d'aider jeunes et parents. »
Thây : Cette question sera répondue par le frère Pháp Lin, parce que Thây est en lui.
(cloche)
Thây : C'est une surprise.
(Réponse de Frère Pháp Lin) : Apparemment, j'ai choisi la mauvaise question. Cher Thay, chère sangha. Je peux essayer de commencer une réponse, et peut-être que Thay va m'aider après. Je pense que les jeux vidéos, pour une jeune personne, ont l'air très intéressants. Ça occupe l'attention, et ça peut aider à ne pas être en contact avec la souffrance qui est peut-être là, une sensation de solitude, ou de désespoir, ou de colère, et je pense qu'il faut essayer de donner une alternative aux jeunes, mais quelque chose qui soit suffisamment intéressant pour pouvoir faire concurrence aux jeux vidéos, et je pense que là-dedans, on peut essayer de nourrir chez les jeunes la graines de l'inspiration, du désir d'aider, d'aimer, parce que sans ça, on peut être complètement perdu dans la vie, on peut ne pas connaître sa direction, ou la vie n'a peut-être pas beaucoup de sens, si on n'a pas une bonne respiration, une bonne direction. Peut-être que nous pouvons essayer d'offrir aux jeunes des activités qui soient suffisamment intéressantes, peut-être les mettre en relation avec d'autres jeunes qui s'intéressent à la pratique de la méditation. Nous avons créé dans cette communauté un mouvement pour les jeunes qui existe un peu partout dans le monde maintenant, le mouvement Wake Up, et on voit qu'un très grand nombre de jeunes un peu partout commence à toucher cette graine du désir d'aider, de contribuer à quelque chose, et ils se réunissent en groupe pour faire des projets. Il y a un groupe actuellement qui est en train de monter une école maternelle écologique au Vietnam, et c'est un groupe de jeunes européens qui ont fait ça, de leur propre volonté. Et il y a beaucoup beaucoup de possibilités comme ça, donc on peut essayer de suggérer aux jeunes de regarder le site internet de Wake Up, et peut-être qu'il y a une vidéo qui va les intéresser. Voilà, mais je pense qu'il faut essayer de travailler ensemble pour trouver des façons de présenter la pratique qui soient suffisamment intéressantes et attirantes pour les jeunes. Voilà, c'est un début de réponse.
(Thây) : C'est très bien. C'est une bonne réponse. Je pense que nous sommes trop occupés en tant que parents, nous n'avons pas assez de temps pour nos enfants. Et il y a déjà de la souffrance dans les enfants, même quand ils sont encore très jeunes. Il y a le vide de la solitude, donc, le mantra « Je suis là pour toi » est très important. Il faut s'intéresser à lui, à elle, il faut s'informer auprès des jeunes à propos de leur aspiration, à propos de leur souffrance. On cherche le plaisir, on cherche à consommer, parce qu'il y a de la souffrance dedans. On veut combler le vide avec la consommation, et on pense qu'avec des choses électroniques, on peut mieux communiquer, mais en fait, la communication est devenue très difficile. Même avec les instruments très sophistiqués de communication, on est très seul dans sa vie. Donc, j'ai appris des frères et des soeurs qui viennent d'offrir des retraites en Chine que maintenant en Chine, on utilise beaucoup de téléphone, des choses comme ça. Je sais que la solitude a beaucoup grandi dans chaque personne. Donc, la vraie communication, c'est la réponse. Il faut avoir du temps pour soi-même, il faut changer son idée en ce qui concerne le bonheur. Le bonheur, ce n'est pas l'argent, ce n'est pas la renommée, ce n'est pas le pouvoir, le bonheur, c'est la liberté d'être là dans le moment présent. Le bonheur, c'est la compréhension. On comprend la souffrance, on comprend les autres. Le bonheur, c'est la compassion. Alors si nous avons assez de compréhension et de compassion, nous allons utiliser notre temps pour pouvoir communiquer avec eux. Dans cette société de consommation, on consomme pour éviter la souffrance, on cherche le plaisir pour éviter la souffrance, mais la pratique de base, c'est de gérer la souffrance. Alors il faut maîtriser l'art de la pratique afin de pouvoir transformer la souffrance en compréhension, en compassion. Et au Village des Pruniers, nos frères et soeurs ont déjà commencé à former des enseignants, des professeurs, sur l'éthique globale, l'éthique appliquée. On a déjà formé des enseignants comme ça en Thaïlande, en France, aux États-Unis, pour qu'ils puissent pratiquer la pleine conscience. On peut aider les gens à pratiquer pour réduire la tension dans le corps, pour réduire la douleur dans le corps, pour qu'ils puissent savoir comment générer une vraie sensation de joie et de bonheur, pour qu'ils puissent savoir comment gérer une souffrance, une douleur, pour qu'ils puissent dire à leurs parents, parler à leurs parents avec la parole aimante, afin de pouvoir restaurer la communication, et pour réaliser la réconciliation. Il est possible pour un jeune de rentrer chez lui et de parler à son papa : « Papa, je sais que tu as beaucoup souffert dans les années passées. Et j'ai répondu avec colère, parce que je n'ai pas compris ta souffrance, tes difficultés. Papa, ce n'est pas mon intention de te faire souffrir. Je ne connais pas ta souffrance et tes difficultés. Il faut que tu m'aides. Papa, il faut me parler de tes souffrances et de tes difficultés, comme ça, je ne vais plus réagir comme dans le passé. Si tu ne m'aides pas, alors qui va m'aider ? » Et l'enfant peut utiliser cela, ce langage-là, et l'instituteur, l'institutrice, peut enseigner l'éthique appliquée à l'école. Il y a des jeunes qui sont venus pratiquer avec nous dans les retraites, et de retour chez eux, ils ont pu utiliser le langage aimant et l'écoute profonde comme ça, pour se réconcilier avec leurs parents. Donc des choses comme ça peuvent être enseignées en classe, et il est possible d'enseigner cette pratique de la pleine conscience dans un langage non sectaire, non religieux. Tout le monde peut pratiquer, et comme ça, on peut aider les gens, on peut aider les gens à se mettre en contact avec leurs propres souffrances, on peut aider les gens à gérer leurs propres souffrances, aider leurs parents, leurs amis, à gérer la souffrance en eux. Il y a du travail à faire, et avec la pleine conscience, cela peut être possible.
(cloche)
Moins de consommation, plus de fraternité, c'est la réponse.
Question : Cher Thây, chère sangha, je m'appelle Vanessa. Je ne pratique pas encore, je suis ici pour la première fois. Je suis très émue d'être là avec vous et je remercie la vie pour ce moment présent, moment merveilleux que je reçois comme un magnifique cadeau. Lorsque j'étais enfant, j'ai été abusée sexuellement par mon père. Cette expérience qui fait partie de mon chemin de vie m'a causé beaucoup de souffrances et m'en cause encore. Souffrance du corps, mais surtout souffrance de l'esprit. Parfois, je pense avoir pardonné à mon père et avoir déjà avancé sur le chemin de la guérison, mais parfois, comme maintenant, je me dis qu'il y a encore beaucoup de chemin à parcourir. Cher Thây, si j'ai pris mon courage à deux mains aujourd'hui, c'est parce que je souhaite vraiment, du plus profond de mon coeur, aller vers la pleine guérison, le pardon, et pouvoir avancer plus sereinement dans ma vie de tous les jours et ma vie de femme. Merci.
Thây : L'énergie qui va pouvoir nous guérir, c'est la compassion. Il faut savoir comment générer l'énergie de la compassion. Il y a des personnes qui n'ont pas eu la chance de rencontrer la pratique. Ils ne connaissent pas la pratique des Cinq Entraînements à la Pleine Conscience. Mais maintenant, j'ai de la chance, et je vais le faire pour lui. Il est toujours vivant en nous, et il souffre en moi. Avec la pratique, je vais me guérir, et je vais l'aider à guérir en moi. Et avec la pratique, je fais le voeu de protéger tous les enfants, du présent et du futur, pour qu'ils ne tombent pas dans une situation comme la mienne dans le passé. Quand ce désir, cette aspiration, est née en vous, il y a beaucoup d'énergie. L'énergie de l'action, l'énergie de la compassion, va commencer à guérir. On peut guérir soi-même, on peut guérir nos ancêtres, nos parents, et on peut aider à guérir les générations futures. Donc, l'énergie dont nous avons besoin, c'est la compassion, et l'aspiration. L'aspiration à aider, à protéger. Avec cette formidable aspiration à protéger, à aider les jeunes, on devient un bodhisattva pour la protection de la génération future. Il y a des choses à faire pour protéger les enfants, et avec la compassion vis-à-vis de ceux qui ont mal fait, et avec cette aspiration de protéger, d'aider, et sauvegarder, on aura la possibilité de guérir très vite. Le moment où vous faites le voeu de protéger les autres, les enfants du futur, alors la guérison commence déjà. Il faut bien se servir du moment présent.
(cloche)
Question : Cher Thây, je voudrais vous poser une question à propos du réchauffement planétaire, parce que je voudrais dédier ma vie à protéger l'environnement et combattre le processus du réchauffement planétaire, et en voyant la destruction de l'environnement par l'industrialisation, cela semble si grand et écrasant et sérieux qu'il est difficile pour moi de savoir quoi penser. Le désespoir a tendance à se manifester en moi face à ce problème. Et je me demande comment je peux y penser d'une façon qui ne cause pas du désespoir, et comment je peux en parler avec d'autres d'une façon qui soit aussi bénéfique, parce que je pense que souvent il est difficile d'en parler sans sentir beaucoup de culpabilité ou de désespoir, parce que je sens que la plupart des choses que je fais dans ma propre vie causent le réchauffement planétaire, et voudrais faire ce que je peux dans ma vie pour l'arrêter, et travailler avec d'autres pour l'arrêter, et surtout travailler avec d'autres d'une façon qui nous donne de l'espoir et qui ne soit pas destructive. Merci.
Thây : Le désespoir, c'est le pire qui puisse nous arriver. Il faut une pratique pour pouvoir transformer le désespoir. Tout d'abord, on doit s'identifier avec la Terre mère, la planète. On doit se voir dans la planète. Je suis dans la Terre mère, et la Terre mère est en moi. La Terre mère n'est pas de la matière, la Terre mère est aussi l'intelligence, parce que la planète a donné naissance à des Bouddha, à des bodhisattva, à des saints, donc, elle n'est pas un bloc de matière, ce n'est pas un bloc de matière. Donc, il y a de l'intelligence, de la vision profonde dans la Terre, et si vous pouvez vous identifier avec la Terre, vous pouvez profiter de cette vision profonde de la Terre. Il faut se souvenir que la Terre a donné naissance à des Bouddha, à des milliers et des milliers de Bouddha, des milliers et des milliers de bodhisattva. Le Bouddha Shakyamuni est un enfant de la Terre, et Jésus-Christ est aussi un enfant de la Terre. Il y a des saints qui sont des enfants de la Terre, et nous sommes des enfants de la Terre. Et dans l'histoire de la vie, il est déjà arrivé que les espèces disparaissent. Plusieurs fois déjà. Quatre, cinq fois déjà. Et il est possible que l'homo sapiens disparaisse dans quelques centaines d'années si on ne change pas. Il est possible que les hommes, les femmes, disparaissent, dans une centaine d'années, ou cent cinquante années. C'est une chose très possible, et cette civilisation va disparaître comme les autres civilisations dans le passé. C'est une chose possible, et qui est déjà arrivé dans l'histoire de notre planète, ce n'est pas quelque chose de nouveau. Alors il faut apprendre à accepter la fin de cette civilisation, et la disparition de l'homo sapiens. Il faut accepter la possibilité de l'extinction de cette civilisation, et de l'homo sapiens. C'est une chose possible. Et la Terre mère va attendre, va patienter. Peut-être aura t-elle besoin d'une centaine de millions d'années pour pouvoir nous générer de nouveau, mais pour la planète Terre, un million d'années, dix millions d'années, ce n'est rien du tout. Ce n'est rien du tout. Le temps géologique. Donc, je pense qu'on doit regarder en profondeur, on doit étudier l'histoire, et on doit apprendre à accepter la fin de notre civilisation, et la disparition de l'homme sur cette Terre. Peut-être dans une centaine d'années, ou un peu plus. Et on doit attendre avec la Terre mère peut-être un million d'années, ou dix millions d'années, ou une centaine de millions d'années, pour que la vie des humains puisse encore être possible. Mais qui dit que nous n'aurons pas une chance ? C'est parce que l'éveil, l'éveil collectif peut arriver, n'importe quand. Et quand l'éveil collectif arrive, alors on a une chance. Donc on peut faire les deux choses ensemble : accepter notre fin, et travailler, continuer à travailler pour qu'une telle chose puisse arriver, et on peut être libre de désespoir, et on garde encore l'espoir, les deux choses peuvent aller ensemble. Vous comprenez ?
(cloche)
Question : Cher Thây, chère sangha, merci. Il y a un mois, j'ai perdu une amie de longue date, après cinq ans d'une très douloureuse maladie. Ma question est la suivante : comment aider quelqu'un dans la mort, dans la souffrance, lorsque cette personne n'est pas croyante ? Comment respecter, comment rester dans le respect de l'autre, de l'ami, de l'être cher que l'on perd sans vouloir rien lui imposer ? Voilà. Merci.
Thây: Je pense qu'on peut s'asseoir à côté de la personne qui souffre, qui est sur le point de mourir, et offrir sa présence. « Je suis là : le nuage dans le ciel flotte, mais il a déjà envoyé la moitié à la Terre, et le nuage dans le ciel regarde, il voit sa moitié en tant que rivière, en tant que neige, et le nuage peut dire : « Je vais te rejoindre bientôt. » Il n'y a pas de mort, il n'y a qu'une continuation. Et la fin d'une manifestation peut être une chance pour pouvoir se manifester autrement, et mieux aussi. Donc, on peut parler comme ça, on n'a pas à utiliser le langage du bouddhisme, et des choses comme ça. Et on peut dire qu'avec cette connaissance, avec cette vision profonde, que les nuages tombent et se transforment en pluie. Il n'a pas peur, il peut chanter. Donc, la pluie chante toujours.
(cloche)
Question : Cher Thây, chère sangha, il m'a fallu arroser des graines de courage pour venir, même si je viens depuis un certain temps aux Pruniers, voilà, il m'a fallu tout cet arrosage pour venir vous poser ma question. Il y a à peu près d'un an, vous nous avez offert votre vision sur un centre de pratique dans le Sud Est de la France, la Montagne du Dharma. Ce lieu n'a pas encore pris de manifestation physique, néanmoins, la graine a germé à l'intérieur de moi et a fleuri, et moi je peux témoigner que Montagne du Dharma est vivant en moi, qu'il m'a permis d'ouvrir ma compréhension des autres, avec le support des mots et des gathas que vous nous aviez offerts lors d'une retraite d'hiver passée. « Soyons là les uns pour les autres. Écoutons-nous les uns les autres. » Nous avons l'automne dernier passé une retraite avec une vingtaine de laïcs et cinq monastiques, moines et moniales. Pendant cette retraite, nous avons nourri notre fraternité, j'ai pu donner un sens à des mots comme frère et soeur dans le Dharma. Néanmoins, voilà ma question, et j'aurais besoin de votre éclairage sur ce qu'est de vivre en quadruple sangha, et sans souffrir des complexes de supériorité, d'infériorité, ou d'égalité. Merci.
Thây : Il nous faut un centre en ville pour que les gens qui arrivent dans la ville puissent pratiquer, puissent venir pratiquer. À Paris, nous avons la Maison de l'Inspir. Dans les autres grandes villes, comme Toulouse, Lyon, on doit établir un centre de pratique. C'est votre devoir, et votre aspiration. Et on doit avoir des centres à la campagne, comme le Village des Pruniers, le Hameau du Haut, du Bas, et nous en avons en France. Et j'aimerais beaucoup un centre de montagne, mais ce doit être une vraie montagne, assez haute, il faut chercher, il ne faut pas faire une décision trop hâtive, parce que la Montagne du Dharma est déjà là dans notre coeur. Un jour, elle va se manifester. Il ne faut pas se hâter, il faut se préparer comme il faut. Le centre doit être beau, il doit offrir des conditions pour que des dizaines de monastiques puissent y vivre, et pour accueillir les pratiquants laïcs à venir aussi. Donc, elle est là, pour moi, elle est déjà là, elle attend le moment de se manifester, mais elle est là, bien dans notre coeur, et Thay aime ça, la Montagne du Dharma. Il y a des montagnes très belles en France, et il faut choisir. Il faut s'installer dans un beau site, on va contempler les nuages au sommet des montagnes. L'essentiel, c'est que nous ayons l'intention. En ce qui concerne la Sangha quadruple, on peut regarder les doigts. Voici ma main, elle a cinq doigts. En voici deux, en voici trois. Donc, chaque doigt est en nous. Le majeur, l'index, l'annulaire, l'auriculaire, le pouce, et la taille de chaque doigt est différente, mais comme il y a de la sagesse de non-discrimination dans la main, il n'y a pas de discrimination du tout, et chaque doigt agit comme ça sans complexe, c'est pourquoi il y a de la paix, de la coopération. Et si vous êtes moine, moniale, laïc, mâle ou femelle, vous pouvez agir comme ça, s'il n'y a pas de discrimination dans chaque membre de la communauté, alors il y aura de la paix. Et le pouce doit être le pouce. L'index doit être l'index. Vous voyez ? Un moine doit être un moine véritable, il doit pratiquer ses préceptes comme il faut. Une nonne doit être une vraie nonne, elle doit pratiquer comme il faut. Et les membres de l'inter-être ont quatorze préceptes à vivre, alors on doit vivre comme cela pour pouvoir être reconnu comme membre de l'inter-être. Et les amis qui ont reçu les Cinq Entraînements à la Pleine Conscience sont peut-être des bodhisattva, et comme ça, on n'est pas pris par l'apparence, par les noms. On est libre des noms et des expériences. On a dans la retraite de Nottingham, en Angleterre, j'ai dit ceci : « Chers amis, le Bouddha est fait uniquement d'éléments non-Bouddha. Comme la fleur est faite d'éléments non-fleur, le Bouddha est fait d'éléments non-Bouddha, y compris la souffrance. Sans la souffrance, il n'y a pas de Bouddha. Et le bouddhisme est aussi fait par les éléments non-bouddhisme. » Alors on n'a pas le complexe d'infériorité, d'infériorité, et nous sommes libres, nous sommes libres du Bouddha, nous sommes libres du bouddhisme, c'est pourquoi on a beaucoup d'espace dans notre coeur. Alors si on peut enlever les mots, l'appellation, et la forme, il y aura de la paix, de la collaboration entre les différents éléments d'une sangha véritable. Une sangha véritable est porteuse du Bouddha et du Dharma. Il y a la pleine conscience, il y a la pratique des préceptes, et c'est le refuge de beaucoup de gens viennent.
Chers amis, aujourd'hui, nous avons une dernière chance de marcher ensemble pour la méditation marchée. On va marcher en telle sorte que le Royaume de Dieu soit possible dans l'ici et le maintenant. Il faut investir tout le corps et tout l'esprit en faisant un pas. On arrive à cent pour cent avec chaque pas. Et si vous arrivez à faire cela aujourd'hui, alors demain, quand vous serez chez vous, dans votre ville, vous allez continuer comme ça. Avec une inspiration, avec des pas faits dans la pleine conscience, on peut très bien arriver au moment présent pour toucher le Royaume de Dieu, les merveilles de la vie qui sont en nous et qui nous entourent. C'est l'entraînement. Moi, je marche comme ça. Il n'y a pas de jours où je ne marche pas comme ça. Je me promène toujours dans la Terre Pure du Bouddha et dans le Royaume de Dieu. Et le cadeau que vous recevez, c'est quelque chose de très précieux, c'est le Royaume de Dieu. Le Royaume est disponible, et on n'a pas à mourir pour pouvoir y entrer, on doit être très vivant, et vous savez comment faire pour être vivant. Respirez dans la pleine conscience, et marchez dans la pleine conscience, et vous voilà dans le Royaume. Il faut s'entraîner à marcher, à respirer comme ça, et partout, vous avez la sangha avec vous. Partout, vous avez le Village des Pruniers avec vous. Partout, vous avez le Bouddha et le Dharma avec vous. Bonne marche et heureuse marche aujourd'hui. Merci.
(cloche)
Enseignement donné le 3 mai 2012 en français, transcrit par Pháp Thân