Troisième Principe
Le nirvana est l’absence de l’illusion et des afflictions, mais ce n’est pas l’absence des agrégats (skandhas : corps, sensations, perceptions, formations mentales et conscience), des sphères des sens (oeil, oreille, nez, langue, corps, mental, forme, son, odeur, goût, objet du toucher, objet du mental) et des domaines de l’existence (dhatus : douze sphères des sens auxquelles s’ajoutent les six consciences des sens : consciences visuelle, auditive, olfactive, gustative, tactile, mentale. Également, les trois mondes des désirs, de la forme et de la non-forme).
« L’illusion, l’ignorance, ce sont les compréhensions incorrectes de la réalité. Par exemple, toutes les choses sont impermanentes, mais nous les considérons comme permanentes ; toutes les choses sont dépourvues d’un soi mais nous leur attribuons un soi. L’illusion ou l’ignorance, c’est également toutes les perceptions erronées que nous avons de nous-mêmes, des autres personnes et du monde.
Le Bouddha et les bodhisattvas demeurent dans le nirvana, ce qui signifie qu’ils ne sont pas dans l’illusion ou les afflictions ; mais d’autre part leurs agrégats, leurs sphères des sens et les domaines d’existence subsistent. Les agrégats, les sphères des sens et les domaines d’existence continuent d’être là ; mais ils ne causent pas de souffrance puisqu’il n’y a plus d’illusion ni d’afflictions. Sans affliction, sans illusion, la souffrance cesse. Les agrégats, les sphères des sens et les domaines d’existence ne sont pas eux-mêmes la souffrance ; la présence ou l’absence de la souffrance dépendent de notre façon de regarder et d’utiliser nos agrégats, etc. Tant que nous sommes dans l’illusion, nous utilisons les agrégats, les sphères des sens et les domaines d’existence d’une manière incorrecte et nous souffrons. Sortis de l’illusion, nous les utilisons d’une manière merveilleuse et nous faisons le bonheur de nombreux êtres. Sans les agrégats, comment est-ce que nous pourrions servir le monde et aider tous les êtres ? Donc le nirvana n’est pas l’absence des agrégats (skandhas), des sphères des sens (ayatanani) et des domaines d’existence (dhatus).
Le mot nirvana peut créer beaucoup d’interprétations incorrectes. Nirvana, ou nibbana, signifie l’extinction. Par exemple une flamme s’éteint et nous ne la voyons plus ; comme si l’extinction signifiait que de l’existence, de l’être, la flamme passait au néant, au non-être. Il est erroné de penser ainsi, car le nirvana n’est ni l’être ni le non-être. Nous ne voyons pas la flamme et disons qu’elle « n’existe pas ». Mais cette notion de ‘non-être’ ne s’accorde pas à la réalité. Lorsqu’elle se manifeste, nous disons qu’elle « est », et cette notion de l’être ne s’accorde pas non plus à la réalité. La réalité transcende aussi bien l’être que le non-être.
Quand nous parlons du nirvana, nous devrions dire avant tout que le nirvana est l’extinction de l’illusion et des afflictions, ce n’est pas du tout l’extinction de la vie. La vie est merveilleuse ! En l’absence des afflictions et de l’illusion, les agrégats, les sphères des sens et les domaines d’existence deviennent quelque chose de merveilleux. Avant cela ils étaient déjà merveilleux, mais à cause de notre ignorance et de nos afflictions, nous ne pouvions pas voir cette merveille, et nous les qualifiions d’entraves. Dans le Soutra Ratnakuta (Soutra du Monceau de Joyaux), il y a une histoire pour illustrer ceci : un homme prend une motte de terre et la jette sur un chien. Celui-ci crie de douleur, puis sous l’emprise de la furie, il s’en prend à la motte de terre pour se venger. Il ne sait pas que la cause de sa douleur ne vient pas de la motte, mais de l’homme qui la lui a lancée. De même, la cause de notre souffrance n’est pas les cinq agrégats, les douze sphères ou les dix-huit domaines, mais c’est notre ignorance à leur sujet. Les agrégats, les sphères des sens et les domaines d’existence sont la motte de terre, et l’illusion est l’homme qui jette la motte. »