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Publié par La Pluie du Dharma

Questions du Coeur - Conseils sur la pratique

16 Novembre 2013 , Rédigé par Maison de l'Inspir' Publié dans #Inspiration

 
Questions du Coeur - Conseils sur la pratique
       

 

*Conseils sur la pratique par le Vénérable Maitre

Thich Nhat Hanh.*

Cette série de questions/réponses a été enregistrée le 7 avril 2013 en Thaïlande, lors du troisième enseignement du dharma de Thầy, à la retraite " Écoles et enseignants" d'avril 2013, en Thaïlande, réservée aux Enseignants.

Il répond ici à des personnes qui cherchent de l'aide non seulement pour leurs problèmes personnels, mais aussi concernant leurs difficultés professionnelles à enseigner. Parmi les sujets généraux traités, il y a comment amener les jeunes à pratiquer la pleine conscience.

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Q : Lorsque nous essayons de pratiquer l'écoute profonde et que l’interlocuteur adopte un discours violent et emploie des mots blessants qui font souffrir les autres ainsi qu'elle même, comment pouvons nous maintenir l'écoute profonde ?

R : Le but de l'écoute compatissante est d'aider les personnes à souffrir moins. Si elles sont pleines de souffrance, elles ne pourront pas utiliser la parole aimante. Sans doute, beaucoup d'amertume, de douleur, de violence, de déception et de colère dans leur cœur se manifestent par des paroles et des actions dévastatrices.

Vous devez donc alors vous rappeler d'une chose : cette personne est pleine de souffrance. J'écoute pour l'aider à réduire sa souffrance. Cette action en pleine conscience a deux aspects: d'abord identifier la souffrance à l'intérieur de la personne, et ensuite se rappeler du but de notre écoute profonde. Pendant l'écoute, soyez conscients de cette action, utilisez cette énergie de compassion pour vous protéger de ce discours blessant. Si vous y arrivez, les dommages ne dureront pas. Si vous n' arrivez pas à maintenir cette énergie de compassion , ne vous forcez plus à écouter. vous perdez votre compassion . Attendez un autre moment, lorsque vous serez plein de compassion et de compréhension pour pratiquer l'écoute profonde.

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Q : Nous avons embauché une personne, pour la formation, mais elle utilise un langage discriminatoire vis à vis des femmes et des personnes des autres ethnies. Nous trouvons cela très pénible .Notre question est : comment exprimer notre inconfort vis à vis de son comportement et de son langage, de la manière la plus amicale?

R : Je ne pense pas que vous ayez à changer sa manière de parler. Vous devez changer votre manière d'écouter. Si vous arrivez à identifier sa souffrance, et comment elle la manifeste extérieurement, alors tout ce qu'elle dit ne vous irrite plus. Et si vous arriverez à écouter avec compassion, la personne modifiera graduellement sa manière de s’exprimer sans que vous ne deviez lui donner des instructions.

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Q : Nous travaillons avec des villageois d'une tribu de montagne qui doivent tuer des animaux pour se nourrir et détruire la forêt, contribuant ainsi au réchauffement climatique - les moyens d'existence des aînés dépendant ainsi de la destruction de la vie. Comment pouvons nous éduquer leurs enfants à la protection de la vie?

R : Si vous pouvez cuisiner végétarien pour eux, ce serait très bien. Ils pourront ainsi progressivement changer leurs habitudes alimentaires. Vous devez trouver des moyens concrets pour leur montrer la souffrance de toutes créatures vivantes. Peut-être qu'en voyant un film ou un documentaire sur des animaux tués pour être mangés , ils pourront alors ressentir la douleur des mères de ces animaux. C'est plus formateur qu'un discours du dharma ou qu'une recommandation éthique abstraite. Vous pouvez créer un jardin potager, faire pousser des légumes bio et les inviter à cultiver le jardin avec vous. Non seulement un jardin est durable et fournit des légumes à manger, mais il peut également apprendre aux enfants des manières alternatives de vivre . Montrez leur qu'il est possible de manifester notre amour en mangeant de la nourriture biologique, et qu'il n'est pas nécessaire de consommer de la viande. Une personne qui a de la compassion est une personne heureuse. Alors organisez cela et vous allez réussir.

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Q : Nous voulons appliquer vos méthodes dans notre école, mais le directeur ne l'accepte pas. Comment pouvons nous les utiliser sans être renvoyés?

R : Il y a de nombreuses façons d'introduire ces méthodes dans votre école. La meilleure manière est d'intégrer adroitement et habilement l'enseignement de la pleine conscience dans la salle de classe. Si nous invitons les étudiants à commencer la classe avec une respiration en pleine conscience, qui peut nous arrêter ? Vous devrez laisser les gens remarquer les changements dans la classe. Si la classe progresse, les élèves deviennent plus aimables, alors tout le monde le remarquera. Supposons que vous conduisiez une session de relaxation totale, peu importe sa durée, cela aura certainement un impact sur la classe. Vous devrez également trouver le temps d'approcher le principal et les autres professeurs pour discuter de la manière d'améliorer le bien-être des étudiants, et comment concrètement certaines choses devront être faites. Lorsqu’un maître ou une maîtresse d'école pratique la pleine conscience, tout change en ce qui le ou la concerne; les gens le remarqueront et l'interrogeront sur sa stabilité. Lorsque les autres s’en rendront compte, ils ne pourront pas empêcher votre démarche. Si vous ne goûtez pas cette joie de la pleine conscience, vous ne pourrez pas l'introduire dans la salle de classe. Vous pouvez aussi écrire un article sur les bénéfices de la pratique et le partager avec vos collègues et vos supérieurs. Il y a beaucoup d'exemples pour prouver comment la pleine conscience a pu bénéficier aux écoles.

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Q : J’ai de la souffrance, mais quand j'essaye d'échapper à la racine de cette souffrance, mes étudiants viennent me voir pour obtenir de l'aide concernant leurs propres problèmes, et à ce moment là ma mère m'appelle au téléphone pour me dire que mon père veut lui faire du mal. Comment puis-je gérer en même temps ces trois sources de souffrance ?

R : Vous essaierez d'écouter la souffrance de vos étudiants et de votre mère, mais vous ne pouvez résoudre qu'un seul problème ! C'est très clair, vous devez d'abord dire à votre mère que vous parlerez avec elle, réfléchirez au problème et la rappellerez. C’est tout à fait logique. Afin de ne pas être submergé par trop de choses en même temps, nous devons apprendre à nous ménager et à nous nourrir nous-mêmes pour avoir assez de capacité pour gérer de multiples problèmes.

Il y a deux choses: d'abord apprendre à gérer la souffrance et ensuite à cultiver le bonheur. Vous devez apprendre à guérir vos blessures et à fortifier votre corps. Je dois répéter l'exemple du trajet vers l'école: marchez de manière telle que vous puissiez vous nourrir vous même. Pour n'importe quelle activité quotidienne , pratiquez de telle sorte pour que celle-ci devienne une source de nourriture pour nous. Lorsque votre vie quotidienne vous alimentera, vous aurez assez de force pour ne pas être submergé par de multiples problèmes. Si un médecin voit qu'un patient est trop faible pour subir une opération, il différera l'intervention chirurgicale pour permettre d'abord au patient de reprendre des forces . Apprendre à vivre heureux à chaque moment est très important pour réduire la souffrance. En ouvrant le robinet, vous vous sentez heureux. En brossant vos dents, vous vous sentez heureux. Apprendre à apprécier et à savourer toutes ces choses journalières basiques est vital et ce sera la pleine conscience qui vous maintiendra attentif à la souffrance et à ses solutions.

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Q : Quand je pratique, il y a vraiment des transformations mais elles ne durent pas. Par exemple, je suis capable de voir ma colère monter et de la laisser passer, mais je ne l'ai réalisé que quelques fois et je me sens très découragé. Comment puis-je conserver les résultats de ma pratique?

R : Si vous vous forcez à inspirer en pensant que c’est bien, ce n'est pas une pratique sage. Si vous commencez à respirer d'une manière qui vous rende heureux et stable dans les trois ou quatre premières secondes, c'est une pratique sage. Ne vous forcez pas à pratiquer, cela fait souffrir. Le Bouddha a dit que le dharma est merveilleux au début, au milieu et à la fin. Vous devriez vous sentir calme et heureux pendant toute l’inspiration, pas seulement à sa fin. Donc abandonnez la pratique comme moyen, et le bonheur comme résultat . Le bonheur n'est pas une destination mais un chemin. Il n'y a pas un chemin vers la relaxation, la relaxation est le chemin. Vous ne pouvez pas vous forcer à vous relaxer! Une bonne pratique est une pratique durant laquelle vous ne souffrez pas! Si vous souffrez pendant la méditation marchée, ce n'est pas une bonne pratique. Si vous inspirez et expirez au son de la cloche en ressentant de la souffrance, ce n'est pas une bonne pratique. Prenez plaisir à votre pratique et cette question ne se posera plus.

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Q : Certains d'entre-nous vivent dans de grandes villes, alors quand nous avons l'opportunité de pratiquer dans un temple, nous trouvons cela très dur à suivre. Lorsque nous retournons en ville, les enseignements appris sont difficiles à maintenir et à suivre.

R : C'est plus facile de pratiquer en tant que monastique qu'en tant que laïc. En vivant au sein d'une communauté monastique, vous êtes dans un environnement idéal. Donc maintenir les enseignements et les préceptes est plus facile dans une communauté de frères et de sœurs monastiques. Le Bouddha était toujours accompagné de moines parce qu'il comprenait cette réalité. Nous imitons simplement le Bouddha en amenant avec nous des monastiques et des pratiquants laïcs expérimentés. Si vous voulez que la pratique soit facile, devenez moine! Sinon vous devez bâtir une Sangha où que vous soyez. En ville, une Sangha laïque remplace la Sangha monastique des temples. C’est pour cela qu'une retraite telle que celle-ci peut inspirer les gens à continuer leur pratique en bâtissant ou en trouvant une Sangha. En général, ils la trouvent le dernier jour de la retraite, en particulier ceux qui vivent dans une même ville. Beaucoup de Sanghas laïques se sont développées à travers le monde. En Allemagne, il y a plus de quatre vingt Sanghas pratiquant dans la tradition du Village des Pruniers. Au Royaume Uni, il y en a peut être cent. Dans des villes comme Londres et New-York, il peut y en avoir au moins dix.

Alors quand vous rentrez à la maison, demandez autour de vous, réunissez un groupe un fois par semaine pour marcher en pleine conscience, manger en pleine conscience et écouter un enseignement du Dharma ensemble. Je pratique toujours la méditation marchée dans les gares ou les aéroports. Si je vais au supermarché, je fais de même! Si vous y faites de la méditation marchée, vous savez quoi acheter et quoi ne pas acheter! Parfois, je sors du supermarché en n'ayant rien acheté. C'est du Bouddhisme appliqué que vous pouvez pratiquer dans la société.

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Q : Comment les enfants et les petits enfants peuvent-ils se réconcilier avec des parents ou des grands-parents qui les ont blessés ou abusés ? Nous voulons aussi aimer nos aînés, mais nos blessures sont encore trop fortes.

R : Lorsque nos parents souffrent et ne savent pas comment gérer leur souffrance, il nous la transmettent. Donc en regardant dans notre souffrance, nous pouvons voir la souffrance de nos parents. Si nous ne transformons pas cette souffrance, nous la transmettrons aussi à nos enfants. C'est le samsara de la souffrance.

Nous pensons en général que nos parents sont à l'extérieur de nous, qu'ils sont des personnes différentes. Ce n'est pas vrai, ils sont à l'intérieur de nous, entièrement présents dans chacune des cellules de notre corps. Le bonheur et la souffrance de chaque cellule de notre corps est aussi celle de nos parents.

Si nous ne transformons pas la souffrance de nos parents en nous, nous ferons également souffrir les gens que nous aimons le plus. Nous ne devrions pas essayer de changer le père ou la mère à l'extérieur de nous sans changer le père ou la mère à l'intérieur de nous. Nous devons nous souvenir que nous sommes la continuation de nos parents. Nous les emmenons dans le futur. Donc à chaque fois que vous marchez, invitez votre père ou votre mère intérieur (e) à se joindre à vous pour qu'il ou elle puisse goûter les merveilles de la vie et être ainsi transformé en vous.

Savourez une tasse de thé avec eux, de sorte à ce qu'ils puissent être transformés à l'intérieur de vous. C'est plus facile de transformer votre père ou votre mère intérieur (e) avant de vous focaliser sur le père ou la mère à l'extérieur de vous.

Nous pouvons transformer nos parents intérieurs en des personnes aimantes, pleines de joie, compassionnées et mettre fin à leur samsara en nous. Nous serons alors en situation d'aider notre père, notre mère extérieurs à changer. Mais pas avant, car un père intérieur en colère se confrontant à un père extérieur en colère, cela ne peut mener à grand chose! J’ai vu des enfants revenir aider leurs parents. Prendre refuge dans les Trois Joyaux et les cinq entraînements est la voie la plus parfaite pour guérir les blessures et se transformer.