Lettre de Thây, Retraite d'Hiver 2011-2012
Chère sangha bien-aimée tout autour du monde,
Je suis très triste d’annoncer une triste nouvelle durant cette célébration du Nouvel An Lunaire. Ce matin le 23 Janvier 2012, un de nos frères a pris sa propre vie vers 5 heures du matin dans la foret près du Hameau du Haut. Lorsque Thây a été informé de cette nouvelle et après avoir parlé avec un certain nombre de frères monastiques, Thây a demandé à tous les frères et sœurs monastiques de se réunir à 15H30 le même jour, premier jour de l’année lunaire du Têt. Nous avons interrompu les activités de la journée afin que tout le monde participe à la réunion avec Thây.
Voici ce que Thây a partagé avec nous :
Chère Sangha, nous sommes tous en deuil car un de nos frères vient juste de mourir ce matin : Frère Phap Kinh. Frère Phap Kinh est un frère merveilleux, très dévoué à sa vie monastique. Il a pris soin de la Sangha du Hameau du Haut de la meilleure façon qu’il pouvait, se comportant comme un abbé, accueillant tous les amis laïques et prenant bien soin d’eux. La nouvelle de ce matin a été très choquante pour Thây et pour la Sangha toute entière.
A 2h30 ce matin il était encore dans sa chambre. Ill était allé au Hameau Nouveau hier après-midi pour participer à la cérémonie avec tous les frères, et après il est rentré au Hameau avec eux et est allé dormir. A 2h30 le voisin de chambre de Phap Kinh, le frère Phap Uyen s’est réveillé et à ce moment là a vu frère Phap Kinh encore endormi. Mais après cela, peut-être une impulsion très forte ou bien une émotion très forte a envahi Phap Kinh. Pendant que tous les frères étaient encore endormi, il a quitté la résidence et est allé dans la forêt, à l’extérieur des limites du Village des Pruniers et a pris sa propre vie dans une hutte utilisée par des chasseurs.
C’est une grande surprise pour moi et pour la Sangha, car il était un pratiquant si dévoué et mettait tout son cœur complètement dans la pratique d’un moine. Il est impossible dans le moment pour moi de comprendre pourquoi il a fait cela. Frère Phap Lieu et Troi Tu Tai ont rencontré les autorités, attendant pour un médecin de venir et certifier la mort de façon ensuite à pouvoir emmener le corps de Frère Phap Kinh à la morgue.
J’avais de grandes espérances pour Frère Phap Kinh, car je voyais Phap Kinh pratiquant et considérant le Village des Pruniers comme sa propre maison, sa propre propriété – non seulement la boutique dont il s’occupait, mais tout. Il s’occupait des invités et de tous ceux qui venaient et pratiquaient, et j’avais de grandes espérances pour lui et j’avais partagé cela avec un certain nombre de frères au Hameau du Haut. Cette nouvelle est une grande surprise et nous ne pouvons pas comprendre pourquoi. Je pense que les Sœurs du Hameau du Bas et du Hameau Nouveau ont le même sentiment.
Le seul indice qui peut nous aider à comprendre juste un petit peu, peut-être 5% pourquoi il a agi comme cela, est que sa mère aussi s’est suicidée à peu près à la même époque de l’année. Il a laissé derrière lui un sac avec son passeport et nous ne savons pas s’il y a un message pour la Sangha dedans ou pas, nos devons attendre jusqu’à ce que la police ait fait l’inventaire de toutes ces choses et ils nous les donneront après. Les frères et les sœurs et moi-même sommes encore très choqués. Nous ne comprenons pourquoi, parce qu’il y a beaucoup de personnes moins solides que lui, il paraissait être beaucoup plus solide que beaucoup d’entre nous, mais il a fait cela sur lui-même. J’ai offert de l’encens et touché la terre. J’ai demandé à notre Mère Terre de recevoir, de prendre soin et d’embrasser Frère Phap Kinh.
Au début j’ai pensé attendre pour annoncer à la Sangha cette triste nouvelle. Mais j’ai vu que je n’avais pas le droit de le remettre pour plus tard, aussi j’ai convoqué cette réunion pour pouvoir vous dire à tous ce qui s’est passé. Nous tous sommes dans un grand choc, aussi nous avons besoin de pratiquer la respiration et la marche pour nous calmer. En inspirant, nous sommes conscients de notre propre corps et du corps de la sangha ; Expirant, nous calmons notre propre corps et calmons le corps de la Sangha. Parce que lorsque Phap Kinh est mort, nous tous sommes morts un peu avec lui aussi.
Nous savons seulement deux choses. La première est que Phap Kinh est un moine très dévoué dans sa vie monastique. Il a montré son dévouement, sa détermination à être un moine et il a pris soin de la Sangha et du temple comme un abbé le ferait et nous avons été très surpris, très choqué. La deuxième chose est qu’il a un passé, avec sa maman qui a pris sa propre vie durant l’hiver. Mais il a réussi une chose très importante. Lui et la Sangha ont invité sa sœur à une retraite au Canada l’automne dernier, et avec beaucoup d’effort ont été capable de la convaincre elle et son fils jeune adulte à venir, et elle a pratiqué et s’est beaucoup transformée. Elle a promis de venir au Village des Pruniers au mois d’avril ou mai pour pouvoir continuer sa transformation : mais au lieu d’attendre pour elle de venir et de continuer cet effort fructueux, Phap Kinh a été submergé par une émotion soudaine et a pris sa propre vie.
A coté de ces deux choses nous ne savons pas plus. Lorsque moi-même ou la Sangha auront plus d’informations, alors nous partagerons avec la Sangha immédiatement. Donc durant ces journées nous allons pratiquer plus que d’habitude.
Le matin suivant au Hameau du Haut, Thây et les frères du Temple du Nuage du Dharma se sont réunis à 8 heures le matin pour offrir une cérémonie pour Frère Phap Kinh. Après la cérémonie Thây nous a encouragés à continuer nos pratiques normales, de garder notre emploi du temps, lecture des oracles et la visite des chambres. Mais Thây nous a demandé de célébrer d’une nouvelle façon. Dans chaque chambre que nous visitons : nous nous réjouirons d’être ensemble en buvant du thé, en partageant à propos de nos pratiques, des oracles et nous chanterons pour offrir notre énergie pour soutenir la transformation de notre frère. Thây nous a demandé de ne pas produire une énergie excitée de « faire la fête » qui parfois s’élève durant les célébrations de l’année lunaire, mais plutôt de garder la paix et l’harmonie pour soutenir la Sangha à travers ces temps difficiles. Le mardi matin avant de commencer la lecture des oracles, Thây a partagé cela avec toute la communauté de monastiques et de membres laïcs présents ce jour là :
Ce matin nous avons eu une session de méditation suivie d’une cérémonie au Hameau du Haut. J’ai rappelé aux frères que pareil évènement a pris place durant le temps du Bouddha. Des Bhikshus sont morts de la même manière. Ce matin là le Bouddha a appelé les moines et leur a offert un enseignement parce que les moines n’avaient pas vraiment compris l’enseignement sur l’impermanence, le non soi et la souffrance.
Assis avec les moines pendant un long moment, pour permettre à l’énergie de pleine conscience de et de compassion d’embrasser la douleur et le chagrin, le Bouddha a ensuite dit : »Chers amis, durant l’été il fait parfois très chaud. Le vent est également très chaud, tout est sec, et le vend soulève la poussière ce qui rend difficile de respirer. Tout le monde a soif et souffre à cause de la chaleur. Le ciel est rempli de poussière et nous ne pouvons pas voir le ciel bleu, la souffrance est grande. Soudainement la pluie vient, la pluie tombe et soudainement tout change. La pluie aide la poussière à retomber et à se déposer, le ciel réapparait, l’air devient frais de nouveau, toute le monde peut respirer et se sent paisible et rafraichi.
Quand nous pratiquons la respiration en pleine conscience, nous pouvons accomplir un miracle comme cela. Avec la pratique de la respiration en pleine conscience nous pouvons arrêter la chaleur. Nous pouvons arrêter la poussière. Nous aidons le ciel bleu à réapparaitre en nous et autour de nous. Nous nous sentons rafraichis par la pratique de la respiration en pleine conscience. Le bouddha a continué à enseigner aux moines à propos de la pratique de la respiration en pleine conscience pour les aider à se calmer, les aider à être embrassés par la nature, par le ciel, par la terre. C’est un des soutras offerts par le Bouddha sur la pratique de la respiration en pleine conscience lorsqu’un accident, des difficultés amenant de la souffrance arrivaient à la Sangha.
Ce matin j’ai également partagé avec les frères que la Mère Nature peut nous aider à guérir, peut nous aider à nous rafraichir, parce qu’elle est le Bodhisattva de la Terre rafraichissante. Si nous permettons à la nature de nous accueillir, nous embrasser, nous recevrons la guérison et la transformation et nous arrêterons la souffrance. Non seulement les Bouddhistes mais aussi ceux qui sont non Bouddhistes font la même expérience – comme le poète Victor Hugo. Lorsque sa jeune enfant est décédée, il a énormément souffert, son cœur a été brisé. Il a décidé de quitter la ville de Paris et de retourner à son village. Dans un de ces poèmes il parle de son expérience ; comment loin de Paris, assis sous des arbres magnifiques et rafraichissants, il a pu être capable de rentrer en contact avec la beauté de la nature si rafraichissante et permettre à la paix de la nature d’entrer dans son cœur, et il a moins souffert. Il a commencé à guérir et à sortir de sa souffrance. Peut-être était-il un peu pale et faible, mais il a survécu. Le poète a beaucoup souffert parce qu’il a perdu sa fille bien-aimée ; mais il est rentré chez lui et a pris refuge dans la nature. Il a été capable de guérir et il a partagé cela dans un poème. Quand la souffrance nous submerge, Mère nature, est toujours présente, prête à nous accueillir, nous embrasser et à nous guérir.
Dans la pratique de la méditation, de temps en temps, nous prions le Bouddha et les Bodhisattvas de nous embrasser, en disant : « Accueillez-nous et embrassez-nous ». Peut-être notre pratique de la pleine conscience et de la concentration n’est pas encore assez solide et nous ne sommes pas capables d’accueillir et d’embrasser notre douleur et notre désespoir. Mais avec l’énergie de la Sangha, l’énergie des Bouddhas et des Bodhisattvas, nous serons capables d’accueillir et d’embrasser notre douleur et lui permettre de se transformer. Nous n’avons pas besoin de demander à Mère Terre de nous accueillir, nous embrasser parce qu’elle nous accueille déjà, elle nous embrasse déjà ; elle est en nous et nous sommes en elle. La seule chose c’est que nous ne savons pas que nous sommes déjà la Terre, que nous sommes en elle et que la Mère Terre nous accueille et nous embrasse.
Si nous savons comment marcher et respirer en pleine conscience et devenons conscient que Mère Terre nous embrasse toujours avec son énergie merveilleuse et puissante, nous recevrons la guérison, nous transformerons notre souffrance. C’est pourquoi lorsque nous rendons hommage au Bodhisattva Mère Terre, nous permettons à la Terre notre mère de nous embrasser, de calmer et de transformer la souffrance en nous. Les Bouddhistes et les non-Bouddhistes peuvent pratiquer de la même façon.
Joignons nos paumes de mains à présent et invitons les Bouddhas et les Bodhisattvas de nous accueillir, de nous embrasser et nous aider à guérir et à transformer.
C’est ce qui se passe en ce moment au Village des Pruniers. C’est notre devoir de partager notre tristesse avec nos frères et sœurs dans nos autres centres.