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Publié par La Pluie du Dharma

 

 

L’espace n’est pas un dharma (phénomène) inconditionné. Il se manifeste ensemble avec le temps, la matière et la conscience.

 

Pourquoi est-ce que Thây commence par ce principe-là ? Certainement parce qu’il reconnaît que notre façon de voir le monde est fondamentalement biaisée par un certain nombre d’idées fixes, de croyances latentes bien ancrées dans le mental. Effectivement nous pouvons avoir l’idée que l’espace est l’espace, et qu’il n’est pas le temps, encore moins la matière. Cela ne nous semble pas compliqué de pointer du doigt l’inter-être entre la rose et la terre, mais quand il s’agit de l’interdépendance ‘absolue’ entre l’espace et la conscience, c’est déjà plus lointain, moins accessible à notre regard. Et pourtant c’est vrai, l’espace n’est fait lui aussi que d’éléments non-espace. La conscience n’est faite que d’éléments non-conscience.

 

Voyons ce qu’explique Thây :

« Ce premier principe en amène de nombreux autres de la même sorte avec lui. Autrefois lorsque les maîtres regardaient des objets tels une table, une fleur, un nuage, etc, ils reconnaissaient que ces choses sont toutes changeantes, impermanentes, et dénuées d’un soi. Ces phénomènes sont manifestés par le rassemblement de conditions c’est pourquoi ils sont dits conditionnés (samskrta). Une fleur, un être humain, un nuage, sont tous conditionnés. Lorsque les conditions ne sont plus suffisantes, ces phénomènes sont dissous, donc nous les appelons conditionnés.

Mais en regardant l’espace, il semble à nos yeux que celui-ci soit inchangeant, qu’il ne s’appuie pas sur les autres objets. Qu’il y ait un nuage ou pas, qu’il y ait de la pluie ou non, qu’il y ait une conscience ou non, que la lune et le soleil soient présents ou pas, l’espace est toujours l’espace.

(…) Au Village des Pruniers, nous voyons que l’espace est une notion et que la notion d’espace est créée par la notion du temps, de la matière et de la conscience. L’espace a trois dimensions (horizontale, verticale et transversale). Mais il existe encore une quatrième dimension qui est celle du temps. Einstein a parlé de ces quatre dimensions du continuum espace-temps.

Si nous regardons bien, nous voyons que l’espace est fait du temps et que le temps est fait de l’espace, que l’espace est fait de la matière et que la matière aussi est faite de l’espace. A la lumière des sciences modernes, nous voyons clairement ceci : avant tout l’espace est un concept, une notion ; et la notion d’espace ne peut être détachée de la notion de temps ; elle ne peut être détachée de la notion de matière ; et en particulier, elle ne peut être prise à part de la notion de conscience. Par conséquent, l’espace n’est pas une réalité objective, mais une création de l’esprit. L’espace contient le temps, il contient la matière et la conscience. Si nous retirons le temps, la matière, la conscience de l’espace, celui-ci ne sera plus l’espace ; donc l’espace n’est pas une chose inconditionnée.

Dans le soutra d’Avatamsaka (Discours de la Guirlande de Fleurs) il est dit ceci : l’un contient le tout. En ce qui concerne l’espace, l’un contient le tout. Un grain de poussière contient les trois chiliocosmes (dans la cosmologie bouddhique ce mot désigne un monde de mille régions) or un grain de poussière est de la matière, ce qui signifie que la matière est reliée à l’espace. La science nous apprend que là où la matière est condensée, l’espace se rétracte. Nous voyons donc que la matière et l’espace inter-sont, qu’ils s’affectent l’un l’autre. Il est erroné de dire que l’espace n’est pas influencé par la matière. L’espace est la matière ; la matière est l’espace. La forme et le vide sont très proches, ils sont l’un l’autre ; l’un contient le tout.

(…) S’il faut distinguer les phénomènes en deux catégories, d’une part les choses conditionnées et de l’autre les choses inconditionnées, nous ne pouvons pas dire que l’espace soit un phénomène inconditionné. Si nous devons parler de dharmas inconditionnés, il n’y a alors qu’un dharma inconditionné et c’est le nirvana, c’est-à-dire l’ainsité, la nature de non-naissance et de non-mort, la fondation de tous les dharmas. (…) Tout comme toutes les vagues sur l’océan montent et descendent tandis qu’une chose ne monte ni ne descend : l’eau. Le nirvana est ainsi, c’est la fondation de tous les phénomènes.»